Histoires et légendes

Et d’abord, qu’étaient ils donc ?
Et d’abord, qu’étaient-ils donc, ces rassemblements des grands-pères de nos grands-pères des temps préhistoriques, autour des pierres levées qui pour toujours gardent leurs secrets ? Impossible de penser que ces vastes ensembles étaient réservés à quelques clans d’alentour. On ne peut, hélas, qu’imaginer. – Plus près de nous, David, auteur des ‘Psaumes des montées’, nous dit la ferveur de tout un peuple se rendant, dans la joie, à Jérusalem, où la communauté se fait une.  « C’est là que montent les tribus de Yahvé (Psaume 12 1).  Le père A.M. Besnard nous raconte tout cela dans un attachant petit livre : « Par un long chemin vers toi ». (Le Cerf 1978)

Et que dire du spectacle saisissant des foules pieuses qui se baignent dans le Gange ? leur ferveur nous donne à penser que bien des pèlerinages comportent une tentative de contact avec la nature, que ce soit sous couvert ou non de personnages sacrés et quelque intention qu’on y mette. (A Lourdes aussi on se baigne dans l’eau sacralisée).

La proximité de l’islam nous a rendu familière la notion de pèlerinage à La Mecque.  La gestuelle complexe et la prière des pèlerins ne peuvent laisser indifférent celui qui s’applique à connaître mieux l’élan qui chaque année entraîne des milliers de pèlerins, venus parfois de très lointains pays pour remplir une pieuse obligation.

Que dire enfin de la multitude de ces petits pèlerinages qui tissent en pays chrétien comme un réseau de dévotions entre des lieux où l’Esprit souffle très fort : humbles pèlerinages bretons, et aussi Lourdes ou Fatima, Chartres ou Rome et tant d’autres.

Mais parmi tous,
Saint-Jacques-de-Compostelle
jouit d’un prestige considérable

Et pourtant!

Toute l’affaire a commencé par une tradition parfaitement invraisemblable qui ne prend corps et ne tient qu’à coup de miracles.  Et comme si ce merveilleux ne suffisait pas, les pèlerins ont ajouté des anecdotes que seule notre piété envers les anciens nous permet d’entendre avec respect.
Jacques (dit le Majeur) était avec son frère Jean et Simon-Pierre un des plus proches de Jésus (son cousin).  Leur trio l’a accompagné dans les grands moments de sa prédication et de sa prière.  C’est l’Espagne qui échut à Jacques lorsque le Maître envoya les apôtres « enseigner et baptiser toutes les nations ».  Ne faisant que peu ou pas de disciples dans ce pays qui après sa mort devait faire sa renommée, Jacques revint en Palestine où Hérode le fit décapiter.  Ses frères placèrent son corps dans une barque et celle-ci (poussée sans doute pas le vent de l’Esprit), aborda sur la côte espagnole.

Ce n’est que vers 810/813 que l’ermite Pelagius est le témoin de phénomènes surnaturels et reçoit, en songe, la révélation du lieu du tombeau du saint. La nouvelle fait grand bruit au royaume des Asturies et de la Galice  et le roi Alphonse II (789/842) fait aussitôt édifier une église sur ce «campus stellae». La découverte de ces précieuses reliques au milieu du 9ème siècle a suscité un formidable mouvement qui lança pendant des centaines d’années, d’innombrables hommes et femmes sur les routes de Compostelle, »le champ de l’étoile ».

Cet élan, lui, n’est pas de l’ordre de la légende. Ainsi, dès l’an 950, Gotescalc, évêque du Puy-en-Velay,se rend à cheval à Compostelle. En 997 les Sarrasins, avec à leur tête Al Mançour, s’emparent de Compostelle et incendient le sanctuaire. Mais dès 1002, le roi de Navarre, Sanche le Fort, donne le signal de la reconquête. C’est le début d’une période de croissance extraordinaire.

Vers les années 1130/1140 paraît le plus ancien guide touristique connu  le «guide du Pèlerin de Compostelle». Rédigé en latin il serait l’œuvre d’un moine poitevin : Aimery Picaud. Ce document détaille les itinéraires principaux suivis
par les pèlerins et décrit de nombreuses églises et sanctuaires  à vénérer par les pèlerins.

Destiné à renseigner les futurs voyageurs tant sur les bonnes adresses que sur
les endroits à éviter et les précautions à prendre au long du chemin, il donne aussi un récit merveilleux de la vie de Saint Jacques
.

En 1154, le roi de France Louis VII accomplit le pèlerinage de Compostelle, dont le succès dans toute l’Europe s’est ensuite confirmé. Mais la guerre de cent ans, la réforme, les guerres de religions portèrent des coups presque fatals au pèlerinage, Ce long voyage était particulièrement périlleux et éprouvant au Moyen Age, mais il faut avoir à l’esprit les propos de l’historien médiéviste Emile Mâle si l’on veut comprendre les raisons qui poussaient ces hommes et ces femmes à quitter leur demeure pour prendre le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle : «Les hommes du XIIème siècle ont aimé passionnément  ces grands voyages. Il leur semblait que la vie du pèlerin était la vie même du chrétien. Car qu’est-ce le chrétien ? Sinon un éternel voyageur, un passant en marche vers une Jérusalem éternelle ».

Les routes se résumaient souvent à des pistes, les ponts demeuraient rares et les gués hasardeux, ce qui obligeait à recourir aux services de passeurs qui n’étaient pas toujours de toute confiance.  Il fallait trouver sa nourriture en quêtant ou en achetant, selon ses moyens. Le pèlerin bénéficiait parfois d’une offre charitable : il pouvait s’abriter pour une nuit dans l’une des «maisons Dieu» élevées grâce à des dons généreux et entretenues par l’Eglise et les aumônes publiques.

La tradition du pèlerinage s’est toutefois perpétuée jusqu’à nos jours mais il faudra attendre presque la moitié du  XXème siècle pour voir les Jacquets reprendre les chemins sur les traces de leurs glorieux aînés et en 1999, l’année étant réputée année sainte, des foules ont envahi la Castille.


Pierre Barret et Jean-Noël Gurgand, en historiens, ont rapporté en un ouvrage irremplaçable, tout ce qu’on sait aujourd’hui sur Compostelle. La lecture de leur livre est une aide précieuse pour tout pèlerin. (‘Priez pour nous à Compostelle  » Hachette 1978) suivi de plusieurs éditions dont une « de poche ». Cet ouvrage vient d’être réédité chez Hachette.

Histoire de coquille…

Le hasard ou plutôt, sans doute, saint Jacques a récemment conduit les pas de Jacques Voisin (le co-responsable de notre commission « Histoire »  toujours à la recherche de quelques vestiges jacquaires dans la ville), alors qu’il arpentait la Croix-Rousse (vieux quartier Lyonnais) vers une toute petite place, minuscule, toute simple (il n’y a même pas d’entrée d’immeuble donnant sur cette place) mais quelle ne fut pas sa stupéfaction
en découvrant la plaque que vous pouvez voir ici en photo.

Il faut dire que les informations portées par cette plaque sont pour le moins étonnantes et bien sûr totalement erronées !

Les dates :

Tout le monde sait que Saint Jacques était apôtre du Christ et a été décapité à Jérusalem vers l’an 44. Il n’a donc pas vécu 155 ans entre 1617 et 1772 !

La Coquille :

Bien sûr là encore St Jacques n’y est pour rien. La coquille n’est que le signe de ralliement des pèlerins, ce coquillage se trouvant à profusion sur les plages de Galice au Finistère.

Mais qu’est-ce qui a pu pousser les Croix-Roussiens a ériger cette plaque?

Notre historien, revenu de sa surprise, est parti en recherche pour tenter de trouver l’origine de ce qu’il faut bien appeler un canular !

Affaire à suivre.

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